Activités de recherche de R. Grappin de 1979 à 1997

(texte présenté à la section 13 et au CNAP en 1997 - résumé réécrit en juillet 2001)

Je travaille à plein temps en astrophysique depuis octobre 1979, date à laquelle j'ai obtenu un poste dans le cadre des observatoires (De 1972 à 1979, j’avait fait de la recherche expérimentale appliquée à la navigation maritime). Mes recherches en astrophysique ont porté principalement sur les écoulements turbulents appliqués au vent solaire et la matière interstellaire. Dans le premier cas, mes recherches ont tendu à montrer que la dynamique du vent diffère par de multiples aspects de la dynamique d’un écoulement turbulent terrestre.

RESUME

Modèles de turbulence. En collaboration avec J.Léorat et A. Pouquet, j'ai défini un des premiers modèles de turbulence en chaîne (qu’on appelle aussi modèle en couches) qui permette l'étude du chaos et de l’intermittence à grand nombre de degrés de liberté (il s’agit donc de turbulence forte); j'ai fait la première mesure numérique non sous-estimée de la dimension de l'attracteur dans des écoulements turbulents. Enfin, j'ai proposé une phénoménologie de la turbulence MHD permettant de prendre en compte la "turbulence gelée" décrivant la propagation d’onde d’Alfvén monodirectionnelles.
Analyse d’observations in situ (avec André Mangeney) du milieu interplanétaire. Le vent solaire est en fait trop inhomogène pour appliquer telle quelle cette turbulence gelée. Plusieurs phénomènes s’y opposent: l'expansion globale, les jets, la compressibilité. J'ai montré qu'il existe un couplage fort entre activité turbulente et température dans le vent solaire, et deux régimes turbulents: le régime "standard" (compressible et le régime Alfvénique, superficiellement proche de la turbulence gelée. J'ai conjecturé que le deuxième régime était la règle loin du plan de l'écliptique, ce qui est compatible avec les observations d'Ulysse.
Turbulence anisotrope (avec André Mangeney, Marco Velli). L'expansion du plasma dans les vents stellaires est une source d'anisotropie; j'ai proposé et étudié un modèle numérique, dit comobile, qui permette de simuler numériquement la turbulence dans un tel milieu en expansion. Cela m’a permis de montrer que l'expansion gèle (encore) les interactions non-linéaires, et en particulier l'instabilité de mélange, et j'ai conjecturé que la turbulence observée in situ devait être le reste d'une turbulence formée dans la zone subsonique du vent.
Frontières ouvertes.(avec Jacques Léorat, Marco Velli). J'ai étudié (tout d’abord dans le cadre des fluides neutres) la région subsonique du vent avec des frontières ouvertes, et proposé que la turbulence observée plus loin in situ soit le résultat de la turbulence d’interface entre jets froids et chauds. J'ai également montré que, contrairement à l'idée admise, les ondes sonores dans cette zone ralentissent le vent, au contraire des ondes d'Alfvén, et j'ai proposé que cet effet pouvait expliquer une partie du gradient de vitesse systématique observé dans la cavité héliosphérique.
Effets dispersifs. J'ai comparé les modèles particulaires et fluides (avec A. Matthews J. Léorat et A. Mangeney), et montré que dans une situation générique (tourbillons dans un champ magnétique), l’évolution à grande échelle d’un plasma collisionnel restait très proche de celle d’un plasma collisionnel..
Effondrements gravitationnels (avec Jacques Léorat). J’ai montré les limites de la notion de pression turbulente dans les effondrements, en montrant que des écoulements tourbillonnaires pouvaient déclencher cet effondrement. J'ai montré d'un autre côté que la bande de fréquences située au-dessous de l'échelle de Jeans pouvait fournir une source de fluctuations sans couplage non-linéaire, donc non dissipative, qui suggère l’idée d’un modèle de turbulence auto-gravitante d’un nouveau type.
 

PLAN


 

1 Introduction

Dans l'univers, on observe de fortes variations de température ou de pression, qui donnent naissance à des mouvements à grande échelle. Une partie de ces mouvements se retrouvent finalement dans des degrés de liberté microscopiques, à la suite de processus non-linéaires que l'on peut regrouper sous l'étiquette "turbulence". A l'échelle microscopique, l'énergie peut être redistribuée sous forme thermique ou non (accélération de particules). Cette dernière phase est le domaine des plasmas cinétiques. A une exception près (point numéro 6), je ne me suis intéressé jusqu'à présent qu'à la première phase de ce processus, via les équations de Navier-Stokes ou de la MHD.

L'importance des mouvements cohérents pour le bilan d'énergie global est très variable, mais il est rare que l'équilibre statique se trouve réalisé. Un bon exemple est celui des vents stellaires, qui donnent lieu à des pertes de masse variant sur un grand nombre d'ordres de grandeur. On pense généralement depuis Parker (1958) que les vents stellaires naissent à cause de la différence de pression importante entre une couronne très chaude et la pression du milieu interstellaire. En réalité, on peut montrer que, dès que la conduction thermique est suffisamment importante, l'atmosphère statique est instable, si bien que le vent se déclenche même lorsque le gradient de pression est adapté à l'équilibre statique (voir dans le cas polytrope, Velli, 1994; Grappin, Cavillier et Velli, à paraîttre dans A&A). Ce sont des conditions particulières qui limitent éventuellement l'importance de ces vents (point sonique situé très haut, champ magnétique fermé...) par exemple pour le vent polaire terrestre.

D'autre part, on sait que, dès que les dimensions du système sont suffisantes, les écoulements deviennent instationnaires, et rapidement turbulents. Dans le cas du vent solaire, l'écoulement varie d'un facteur deux dans le plan de l'écliptique. On peut ainsi douter des descriptions stationnaires sur lesquels travaillent cependant la majorité des chercheurs intéressés par les vents stellaires. En fait, ces solutions stationnaires ressemblent probablement à peu près autant au vent réel que l'écoulement d'un torrent (ou d'une rivière derrière les piles d'un pont) ressemble à l'écoulement d'un fleuve dans un estuaire… On sait que les propriétés d'un écoulement sont radicalement modifiées par la turbulence, qui mène à des effets aussi variés que la chute de pression dans une conduite d'eau, l'évacuation (hypothétique) du moment angulaire dans un disque d'accrétion, ou encore la génération d'écoulements non triviaux à grande échelle dans une couche convective stellaire.

Les fluctuations dans le vent solaire suivent, tout comme les fluctuations atmosphériques, un spectre en loi de puissance sur plusieurs décades de fréquences. Une analyse détaillée (Grappin et al 1990; 1991) nous a conduit à analyser l'écoulement en terme d'une turbulence de "mélange" ou de sillage formé par l'écoulement au-dessus des boucles coronales (Mangeney, Grappin et Velli 1991). Pour aller jusqu'au bout de cette analyse, il a fallu développer un certain nombre d'outils numériques, qui sont aujourd'hui opérationnels.

Depuis les paramétrisations de Prandtl et la reconnaissance par Richardson puis Kolmogorov de la cascade énergétique, qui permettent une compéhension intuitive des effets de la turbulence, il n'existe pas de méthode universellement reconnue d'évaluation des effets de la turbulence sur le transport de masse, d'impuretés, des champs électromagnétiques, d'énergie… En l'absence de théorie complète de la turbulence (même sous sa forme la plus dépouillée: incompressible, homogène isotrope), le progrès des connaissances dans les domaines précédents peut se faire soit en résolvant le plus exactement possible les équations "primitives" (Navier-Stokes, MHD), en utilisant des modèles, enfin en analysant les données d'observation. J'ai utilisé ces trois approches.

Précisons le contexte astrophysique dans lequel nous avons travaillé. L'héliosphère tout d'abord. On ne considère ici ni les obstacles à l'écoulement (comètes, planètes) ni les espèces chimiques différentes, ni le rayonnement (mais le rôle du rayonnement n'est pas grand: on ne fait pas d'imagerie du vent solaire). Le vent solaire ainsi "dépouillé" est un remarquable candidat à l'étude générale de la dynamique turbulente dans un milieu inhomogène, anisotrope, et en expansion: quel est la nature du ou des régimes turbulents, comment interagissent les différents acteurs (jets, ondes, expansion globale) au cours du transport? En fait, c'est le seul milieu astrophysique qui puisse être observé de l'intérieur ("in situ"). La connaissance que l'on en a est assez comparable à celle que l'on peut avoir d'une soufflerie: le problème est que la connaissance des structures spatiales est limitée à la structure radiale (parallèle à l'écoulement moyen). Par ailleurs, la zone proche du soleil où l'accélération (et la turbulence) est maximale, le lieu de naissance proprement dit du vent est pour le moment hors d'atteinte, sinon par des moyens indirects (scintillation des radio-sources), qui ne permettent pas d'analyser le détail des polarisations des champs de vitesse et du champ magnétique.

Dans le cas du soleil, on sait que si le vent lent correspond qualitativement à la prédiction de Parker, les vents rapides loin de la couche neutre héliosphérique demandent une accélération supplémentaire: Alazraki et Couturier ont proposé dès 1971 de la chercher dans les ondes d'Alfvén. Pour les vents massifs des étoiles sans couronne, une accélération par les ondes MHD serait bienvenue également. Or, non seulement le transfert linéaire des ondes à travers une atmosphère et un vent pose un problème qui n'est toujours pas résolu de façon générale (cf. Velli Grappin Mangeney, 1991), mais, comme le montre l'étendue du spectre des fluctuations du vent solaire, les couplages non-linéaires rendent l'écoulement turbulent, ce qui limite de toute façon fortement la portée de l'analyse linéaire. En particulier, le transfert spatial des ondes, leur transmission et leur réflexion, ainsi que les échanges d'impulsion et d'énergie entre fluctuations et écoulement moyen exigent la résolution directe des équations primitives (MHD par exemple) dans la cavité héliosphérique.

Notons que ces idées ne vont pas de soi: pour beaucoup d'astrophysiciens et aussi de plasmiciens, il n'y a pas d'interactions non-linéaires lorsque le champ magnétique moyen est suffisamment fort: les ondes MHD s'en iraient avant d'avoir interagi. Les couplages non-linéaires sont supposés ne se déclencher que lorsque les fluctuations sont fortes (dbÅB°), ce qui est supposé mener de nouveau rapidement à une situation "linéaire" (db<B°). Des arguments de ce genre permettent de faire rapidement le bilan des différents flux d'énergie; malheureusement, ils sont contradictoires avec l'expérimentation numérique.

La matière interstellaire est mon deuxième centre d'intérêt. Du point de vue macroscopique, elle se présente comme une "émulsion", animée de mouvements turbulents, de condensations de toutes densités et de toutes tailles (avec une relation, un spectre de masse - et de vitesse - en fonction de la taille) qui ne produit des étoiles que très lentement. Comment décrire la dynamique d'une telle émulsion? Quels sont les paramètres qui agissent sur sa stabilité? D'où viennent les spectres observés? La simulation des écoulements auto-gravitants par résolution des équations de Navier-Stokes est un défi numérique, en ce sens que la formation de condensations importantes (à grands nombres de Jeans) provoque la "mort thermique" de l'écoulement, c'est-à-dire sa dissipation. Le problème se pose avec moins d'acuité si l'on utilise une description particulaire; cependant, le défi posé par une description fluide vaut la peine d'être relevé, étant donné la concision des équations, et donc leur grand pouvoir prédictif, comparé à la description particulaire qui nécessite un très grand nombre de degrés de liberté: cette remarque vaut d'ailleurs aussi bien pour les plasmas que pour systèmes gravitationnels.
 

2 Aspects fondamentaux de la turbulence fluide et MHD

Ma contribution a consisté en essentiellement deux apports: introduire un modèle, le modèle en chaîne (appelé encore modèle scalaire, ou en couches), largement utilisé et imité dans la suite, permettant d'étudier à moindre frais les propriétés du chaos dissipatif à grand nombre de degrés de la liberté, et la démonstration de la validité d'un concept nouveau introduit par Dobrowolny, Mangeney et Veltri (1980), l'élimination des modes d'Alfvén minoritaires, conduisant au gel de la turbulence MHD. Je vais considérer ces points successivement.

On peut utiliser une image simple pour décrire l'évolution d'un écoulement turbulent. Si on se représente les modes de Fourier de la vitesse par des (pseudo-) oscillateurs, et leurs couplages par des ressorts, le champ de vitesse sera alors représenté par une chaîne de pseudo-oscillateurs couplés. Suspendons verticalement cette chaîne par la pensée, avec les grandes échelles en haut (les petits nombres d'onde), et les petites échelles en bas (les grands nombres d'onde). Cette chaîne possède deux propriétés essentielles: d'une part il y a beaucoup plus de modes en bas qu'en haut (puisque la densité de modes par tranche de nombre d'onde dk augmente comme k2) d'autre part la "raideur" des ressorts qui relient les pseudo-oscillateurs augmente quand on descend: autrement dit la fréquence caractéristique des oscillations devient de plus en plus grande. Le spectre des oscillations devrait donc être complètement dominé par les vibrations des modes les plus "rapides".

De ce fait, le problème de la physique statistique de la turbulence (voir Rose et Sulem, 1978) ressemble au problème du rayonnement du corps noir avant la quantification: si on applique la statistique de Gibbs à la chaîne d'oscillateurs définie plus haut, on obtient un spectre qui est celui d'un bruit blanc, c'est-à-dire qui diverge vers les hautes fréquences, du côté ultra-violet. Traduisant cela en terme de fluide, on devrait donc voir des écoulements devenir incohérents, les échelles les plus énergétiques étant les échelles moléculaires - autrement dit avec toute l'énergie cohérente transformée en chaleur. Or l'expérience montre que la réalité est différente: le spectre réel (celui de Kolmogorov) donne un poids bien plus important aux grandes échelles, et la "thermalisation" est bien plus lente que dans le phénomène de Gibbs, même si les grandes échelles "nourrissent" sans cesse les petites échelles. Pourquoi? Parce que les effets dissipatifs (visqueux) interviennent pour "geler" l'extrémité la plus rapide et la plus peuplée de la chaîne. Il est inutile de représenter la chaîne en détail bien au-delà de la partie "gelée" (la zone dissipative). La théorie statistique d'un tel système (dit de chaos dissipatif) n'existe pas encore.

2.1 Modèles de turbulence et théories statistiques: modèle en "chaîne" ou "en couches"

Dans un écoulement astrophysique, la chaîne est quasi-infinie (on dit que le nombre de Reynolds est très élevé). Cependant, on croit que les propriétés de la chaîne, si elle est assez longue, ne dépend plus de sa longueur. C'est ce qu'on appelle l'universalité. Dans une simulation numérique pourtant, on ne peut représenter que des chaînes relativement courtes: l'universalité est loin. D'où l'idée de supprimer beaucoup (la plupart) des termes de couplage et des oscillateurs, tout en gardant une chaîne longue: elle sera moins riche, mais peut-être partagera-t-elle des propriétés "universelles" avec la chaîne réelle.

Il n'est pas difficile de définir une telle chaîne simplifiée qui possède la propriété de répartir correctement l'énergie le long des oscillateurs (spectre de Kolmogorov). Cela a été fait en premier par des chercheurs soviétiques. (On nomme aussi ce type de modèle "modèle en couches" parce que les vecteurs d'onde y sont répartis en pellicules ou couches dont chacune est représentée par une seule variable, ou degré de liberté). Cependant, dans ces premiers modèles en couches, le spectre de Kolmogorov est un point fixe stable, ce qui empêche d'étudier la statistique des fluctuations turbulentes autour de cet état moyen. Le modèle que nous avons mis au point a également pour point fixe le spectre de Kolmogorov, mais ce point fixe n'est pas stable, ce qui donne au modèle la propriété essentielle de la turbulence fluide: du chaos "autour" d'un spectre de Kolmogorov. Ce modèle pouvait être étudié sur une petite machine. Nous avons montré quelles étaient les propriétés de transition, c'est-à-dire de passage au chaos lorsqu'on augmente la longueur de la chaîne excitée. Nous avons regardé ensuite les propriétés de la chaîne longue, dans le régime de turbulence développée. Des modèles cousins ont révélé depuis bien d'autres propriétés communes avec la "vraie" turbulence, et permis de faire des conjectures intéressantes sur l'universalité ou les écarts à l'universalité (Benzi et al, 1994; Biskamp 1994).

La spectre d'énergie cinétique des fluctuations atmosphériques est, dans une large gamme d'échelles, proportionnel à k-5/3: c'est le spectre de Kolmogorov. On peut donner une "démonstration" phénoménologique de ce spectre, qui revient à exiger que la chaîne d'oscillateurs mentionnée en 2.1 transporte l'énergie de proche en proche (il ne faut pas que les couplages entre modes éloignés soient importants). Le raisonnement s'adapte à un plasma conducteur incompressible, en tenant compte du fait que les interactions entre ondes d'Alfvén sont incohérentes; on obtient alors une autre spectre en k-3/2 (Iroshnikov, 1963; Kraichnan, 1965), et donc des temps caractéristiques de transport turbulents différents de la turbulence dans un gaz neutre. Cependant, bien que le plasma solaire soit bien conducteur, on observe que la pente spectrale y est nettement plus proche du spectre normal pour un gaz non ionisé, soit -5/3. Il en est de même dans le milieu interstellaire, où cependant le raisonnement de Kolmogorov ne s'applique pas, le gaz étant largement compressible. Pourquoi le spectre de Kolmogorov se retrouve-t-il partout? Biskamp (1994) a récemment repris notre modèle en chaîne dans sa version complexe qui permet d'introduire les oscillations d'Alfvén et a montré la validité du concept d'interactions incohérentes et son rôle dans la formation d'un spectre de pente -3.2. Nous pensons qu'on peut ajouter d'autres couplage au modèle en chaîne qui respectent les invariants de base (énergie). Dans notre modèle en chaîne initial, les couplages sont analogues à ceux qu'on trouve dans les équations incompressibles. On se propose de vérifier si en modifiant légèrement les couplages (et en particulier des couplages de type compressible) le spectre bascule de nouveau vers la pente de Kolmogorov. On aurait alors le début d'une explication de l'ubiquité du spectre de Kolmogorov.

2.3 Turbulence développée (Navier-Stokes): chaos et dimension d'attracteur

L'expérience acquise sur le modèle en chaîne nous a permis d'aborder des écoulements plus proches des écoulements réels. Nous avons principalement étudié (avec Grappin, Léorat et Londrillo, 1986, Grappin et Léorat, 1990), avec les mêmes méthodes que nous avions utilisées pour le modèle précédent, les solutions numériques des équations de Navier-Stokes forcées par un terme de cisaillement. Nous avons mesuré les temps caractéristiques associés aux instabilités des phases successives de l'écoulement par la méthode dite des exposants de Lyapounov, et nous en avons déduit une mesure du nombre de degrés de liberté de l'écoulement (autrement dit de la longueur effective de la chaîne), ce qu'on appelle encore la dimension de l'attracteur turbulent. Nous avons trouvé que cette dimension d'attracteur est donnée dans les écoulements bidimensionnels par le nombre de modes acessibles aux échelles supérieures à celle des tourbillons porteurs d'énergie, ce qui ne contredit pas l'idée que la turbulence bidimensionnelle incompressible est essentiellement le siège d'une cascade inverse d'énergie. Ceci laisse libre la possibilité de définir des modèles réalistes à petit nombre de degrés de liberté.

2.4 Ondes d'Alfvén: gel de la turbulence par élimination des modes minoritaires (alignement dynamique)

On sait que la MHD possède différents modes propres liés aux oscillations du champ magnétique. Il paraît donc évident que le nombre de degrés de liberté est plus grand que celui d'un gaz non conducteur. Cela a donc été une surprise de constater que la dynamique de la turbulence MHD, dans la limite incompressible (mais le phénomène se manifeste aussi dans le cas compressible) contient en elle-même la possibilité d'une réduction considérable du nombre de degrés de liberté, à tel point qu'on peut parler de "turbulence gelée", terme que nons avons introduit dans notre premier article sur le sujet (Grappin Frisch Léorat Pouquet, 1982). Cette turbulence gelée a certaines analogies avec les tourbillons solitaires que sont les états asymptotiques de la turbulence incompressible bi-dimensionnelle.

Les premières observations par satellite du spectre des fluctuations dans le vent solaire avaient donné lieu à des interprétations contradictoires: Coleman (1967), comme Belcher & Davis (1971) avaient remarqué que la corrélation (ou "hélicité croisée") entre fluctuations de vitesse et du champ magnétique dans le vent solaire était souvent très élevée, comme si les fluctuations étaient composées principalement d'ondes d'Alfvén, sans composante compressible, fuyant le soleil. Belcher & Davis en avaient déduit que, comme les interactions non-linéaires sont nulles dans ce cas (de part la structure des équations de la MHD incompressibles), cela impliquait qu'on pouvait ne considérer que l'aspect propagatif. Coleman, pourtant, remarquait que le spectre présentait des caractéristiques "turbulentes" (loi de puissance sur une grande gamme de nombre d'ondes, incohérence des ondes), et insistait sur la possibilité d'utiliser l'énergie libre disponible dans les jets pour créer un tel spectre. Mais comment transférer l'énergie avec des couplages nuls? Dobrowolny, Mangeney et Veltri (1980) eurent l'idée de proposer que tout déséquilibre entre les deux modes d'Alfvén est amplifié par les couplages non-linéaires: les modes minoritaires seraient éliminés au cours du temps, ou (ce qui revient au même) la corrélation entre champ de vitesse et champ magnétique serait amplifiée. La turbulence MHD se déclencherait donc un peu comme la turbulence fluide (en supposant une corrélation initialement modérée), et on obtiendrait au bout d'un temps long deux choses: un spectre développé et un alignement entre champ de vitesse et champ magnétique, ce qui implique des interactions non-linéaires très faibles. Ce processus a été appelé "alignement dynamique".

Pour l'étudier, je suis parti des équations de la MHD; j'ai écrit (Grappin et al, 1982) les équations non-linéaires couplées pour les spectres des différentes quantités (y compris la corrélation entre champ de vitesse et champ magnétique) et utilisé une hypothèse de fermeture convenable (amortissement des corrélations triples). Nous avons montré numériquement la justesse de la conjecture de Dobrowolny Mangeney et Veltri, et la croissance de la corrélation vitesse-champ magnétique au cours du temps. Nous avons étudié comment la corrélation vitesse-champ magnétique ralentissait les interactions non-linéaires, et comment elle était transférée vers les petites échelles: d'une façon générale, les ondes filles se propagent en sens opposé par rapport aux ondes mères au cours de la formation du spectre (Grappin 1986). Enfin, nous avons montré (Grappin et al 1983) que la corrélation vitesse-champ magnétique donnait lieu à une classe nouvelle de spectres, avec un spectre distinct pour chacun des deux modes d'Alfvén, le mode dominant à grande échelle étant le plus pentu. Nous avons étudié ces régimes turbulents en forçant la turbulence, et en contrôlant la corrélation vitesse-champ magnétique du terme de forçage. Dans le cas particulier où le forçage ne contient aucune corrélation vitesse-champ magnétique, alors le seul état d'équilibre possible est celui de corrélation globalement nulle: autrement dit, si initialement l'écoulement contient une bande spectrale dominée par des ondes d'Alfvén pures, mais qu'à plus grande échelle se trouve des grandes échelles dépourvues de corrélation, (par exemple des jets avec peu d'énergie magnétique) alors les ondes se décorrèlent, envahie par un mélange de modes provenant des grandes échelles.

2.5 Turbulence d'ondes d'Alfvén avec champ magnétique moyen

Lorsque qu'initialement les modes sont mélangés, la turbulence d'ondes d'Alfvén devrait se développer, et donner le spectre en k-3/2 prédit par Iroshnikov-Kraichnan (cf. 2.2). En fait, il n'y a pas d'accord sur ce point. Les simulations récentes (Oughton et al, 1995) n'ont pas encore un résolution assez grande pour mettre en évidence une pente spectrale nette à trois dimensions. Par ailleurs, l'observation aussi bien expérimentale (plasmas de fusion) que numérique (Shebalin et al 1983, Grappin 1986) est la suivante: les fluctuations s'homogénéisent dans la direction parallèle au champ moyen. Ou, ce qui revient au même, les termes non-linéaires créent des petites échelles avec des vecteurs d'onde perpendiculaires au champ moyen, mais à peu près pas dans la direction parallèle. Cette réduction de la dimensionnalité de la turbulence (passage de 3 à 2 dimensions effectives) est supposée réduire suffisamment les interactions pour empêcher la formation d'un "vrai" spectre, c'est-à-dire en loi de puissance, donnant lieu à une dissipation finie dans la limite de viscosité nulle. Nous avons proposé (Grappin et Mangeney, 1995, Solar Wind8) une idée toute différente, qui réconcilie à la fois les simulations directes, les modèles numériques et le modèle Iroshnikov-Kraichnan d'interactions incohérentes: les spectres auraient la même pente spectrale quelle que soit la direction dans l'espace spectral, mais les niveaux de référence seraient différents, si bien que l'anisotropie concernerait uniquement l'amplitude globale des composantes.

3. Observations dans le vent solaire

L'évolution avec la distance au soleil de la turbulence dans le vent solaire montre d'une part une relaxation vers le spectre de Kolmogorov, et un désalignement des fluctuations, autrement dit un mélange progressif de modes à partir de modes d'Alfvén fuyant le soleil (Roberts et al 1987). Cela n'est pas contradictoire avec ce qui précède. En effet, comme Coleman (1967) l'avait fait remarquer, ce sont les jets qui contiennent le gros de l'énergie. Or dans les jets les fluctuations de vitesse et du champ magnétique sont peut corrélées; si donc on imagine qu'un transfert d'énergie appréciable se fait entre les jets et les ondes (malgré les interactions ondes-ondes réduites), on est dans la situation évoquée à la fin du paragraphe précédent (Grappin et al 1983): les modes d'Aflvén majoritaires (qui se propagent vers l'extérieur de l'héliosphère) sont envahis par la turbulence hydrodynamique issue d'une éventuelle instabilité des jets.

Nous avons conjecturé en 1991 (Grappin et al 1991) qu'à haute latitude, l'absence de gradients importants de vitesse ralentirait fortement le mélange de modes, et pourrait même mener à l'évolution inverse, c'est-à-dire à un alignement dynamique. Ulysse a permis en effet d'une part de constater que les gradients des jets étaient très faibles; d'autre part que le mélange est ralenti, sans pour autant être stoppé. Cependant, on peut voir dans la figure 1 de Goldstein et al, GRL 22, 3393, 1995 que la pente de la partie inertielle du spectre augmente avec la distance, et devient nettement plus pentue que -5/3 vers 4 UA et vers -50° de latitude, ce qui est un indice que peut-être l'alignement dynamique pourrait fonctionner de nouveau en partie à ces latitudes.

Nous avions abordé en 1988 les observations avec l'idée que la situation était de toute façon plus complexe que celle que nous avions étudiée théoriquement. Notre but était tout d'abord de décrire la situation en utilisant le langage de la phénoménologie de la turbulence. Les données que nous avons étudiées en détail sont celles des missions Helios 1 et 2, deux satellites qui ont exploré le plan de l'écliptique entre 0.3 et 1 UA de 1974 à 1980.

Avant de poursuivre, il faut préciser la structure à grande échelle de l'héliosphère. Le champ magnétique a une structure compliquée près du soleil, mais qui se simplifie beaucoup lorsqu'on s'éloigne à plusieurs dizaines de rayons solaires: alors le champ magnétique présente grosso modo deux polarités, avec un équateur magnétique ("couche neutre") légèrement incliné par rapport au plan de l'écliptique. La couche neutre est à l'origine de vents lents (400 km/s), tandis qu'en dehors le vent est rapide (800 km/s): cette structure a été d'abord observée par radio-scintillation, puis confirmée par les données d'Ulysse. Comme le soleil tourne, un satellite qui observe le soleil à une distance donnée dans le plan de l'écliptique "passe" au travers de la couche neutre plusieurs fois par tour solaire (27 jours), deux fois dans ce modèle simplifié. Un enregistrement typique de la vitesse du vent sera donc une alternance de jets rapides et de jets lents, à chaque traversée de la couche neutre. Les données d'Ulysse montrent bien par contre que lorsqu'on s'éloigne du plan de l'écliptique, on ne rencontre plus la couche neutre, et que le vent est alors constamment rapide.

Au moment où nous avons commencé notre analyse, on savait que les propriétés des fluctuations, donc de la "turbulence", dépendaient elles aussi de la distance à la couche neutre, et principalement que la nature des fluctuations changeait: on trouvait les ondes d'Alfvén "pures" surtout dans les jets rapides, donc loin de la couche neutre. On savait aussi que la pente du spectre changeait avec la distance, et se rapprochait de plus en plus d'une pente "standard", qui semblait être la pente de Kolmogorov. En même temps, les données de Voyager avaient montré, comme nous l'avons dit plus haut, que la corrélation vitesse-champ magnétique diminuait avec la distance héliocentrique au lieu d'augmenter. Autrement dit, la turbulence semblait se relaxer avec la distance vers un état standard, à partir d'une perturbation initiale (le flux d'ondes d'Alfvén fuyant le soleil).

3.1 Turbulence et température

Nous avons tout d'abord cherché à représenter ces résultats d'une façon plus simple; il y avait deux directions de variations, la distance radiale et la distance à la couche neutre, l'augmentation de la première ayant le même effet que la diminution de la seconde; pouvait-on faire l'économie d'un de ces deux paramètres? On savait déjà que les paramètres moyens du plasma n'étaient pas tous indépendants: les variations lentes de la vitesse du vent, du champ magnétique et la température sont corrélées. Nous avons donc cherché à croiser tous les paramètres et nous avons trouvé que la température des protons est une mesure remarquable de l'état turbulent. Plus précisément, l'amplitude rms des fluctuations moyennée à l'échelle d'une journée dans la bande (dite d'Alfvén) allant de la dizaine d'heures à la minute est presque complètement "prédite" par le niveau de moyen de température. Par ailleurs, les coefficients de la régression varient avec la fréquence, si bien que la pente spectrale dans la bande d'Alfvén varie aussi avec la température.

La conclusion (Grappin et al 1990) est la suivante: cette dépendance avec la température moyenne du plasma ne représente pas seulement la variation transverse, c'est-à-dire de la distance à la couche neutre (les jets lents dans la couche neutre sont plus froids, et la dominance des ondes d'Alfvén est moins grande) mais aussi la variation de la distance radiale (quand on s'éloigne du soleil, la température diminue, la dominance des ondes d'Alfvén est moins grande), et surtout la corrélation avec la température ne diminue pas avec la distance radiale. Il y a encore peu de temps, ce résultat ne semblait pas pouvoir être explicable dans le cadre de la mécanique des fluides où les énergies internes et turbulentes n'obéissent pas (dans le cadre fluide) aux mêmes équations: même si les variations transverses (avec la distance à la couche neutre) de ces quantités sont corrélées près du soleil, elles ne devraient plus l'être après une certaine distance radiale. Or, la corrélation persiste, et est aussi bonne à 0.3 UA qu'à 1 UA. Nous allons voir plus bas que nos résultats décrits plus bas sur la turbulence thermique coronale comme moteur de la turbulence du vent solaire donne une explication originale de plusieurs propriétés du vent solaire, et en même temps constitue un embryon d'explication de la corrélation turbulence/température observée dans le vent solaire.

3.2 Les deux régimes turbulents: Alfvénique et standard

Nous avons ensuite cherché à caractériser plus complètement les propriétés de la turbulence loin et près de la couche neutre (donc turbulence "chaude" et "froide"): nous avons considéré le rapport entre énergies dans les fluctuations cinétique et magnétique, et le rapport entre la fluctuation de densité relative et le nombre de Mach turbulent au carré; cette dernière quantité mesure le rapport entre l'énergie turbulente interne et cinétique. Nous avons montré que toutes ces quantités varient ensemble dans le vent solaire: la turbulence "froide" montre un spectre de Kolmogorov, un léger excès d'énergie magnétique, mais une équipartition entre énergie interne et cinétique; par contre, la turbulence d'onde d'Alfvén montre un spectre plat, et un appauvrissement en fluctuations d'énergie interne (ce qu'on caractérise d'habitude en disant que les fluctuations Alfvéniques sont "incompressibles").

3.3 Relaxation du régime Alfvénique par déferlement de la composante compressible (en cours)

On observe que la turbulence "Alfvénique" tend à se relaxer (lentement) avec la distance en turbulence à la Kolmogorov. Cette transformation a été décrite par Tu (1988) en terme de compétition entre couplage avec l'écoulement radial (qui mène à un amortissement des différentes polarisation, voir plus bas) et couplage non-linéaires du type cohérent (analogue au temps de retournement d'un vortex). Au cours du transport par le vent moyen, la fréquence critique séparant ces deux effets se déplacerait vers les basses fréquences et le spectre de Kolmogorov envahirait tout. Cependant, quand on essaie d'ordonner les différentes mesures de l'hélicité croisée (qui mesure la "pureté" des modes d'Alfvén) par le biais de cette phénoménologie, on n'obtient pas de résultat significatif: ce n'est pas le temps de retournement des vortex qui régle l'évolution des ondes d'Alfvén (Grappin et al 1991).

Nous avons repris récemment ce travail en utilisant un large échantillon de données (4 mois au minimum solaire, 4 mois au maximum). Nous avons cherché que le temps de relaxation était nettement plus long que les temps standard, et qu'il fallait chercher du côté de temps plus long. Nous avons pensé à la composante compressible de l'écoulement, généralement ignorée aux fréquences des ondes d'Alfvén parce que supposée amortie par l'effet Landau. Nous avons montré qu'en fait la composante compressible n'est pas négligeable, et qu'elle est bien corrélée à la valeur de l'hélicité croisée. Mieux, le mélange des ondes d'Alfvén peut s'interpréter en terme de raidissement de la composante compressible, autrement dit, la composante compressible jouerait là le rôle que les vortex jouent dans l'évolution de la turbulence ordinaire (Grappin, Mangeney et Marsch 1996, en cours de rédaction). Ce processus a été observé dans des simulations numériques en coordonnées comobiles d'ondes d'Alfvén de polarisation linéaire (voir plus bas, Velli, Schmidt et Grappin, 1996), et consiste donc en deux étapes: a) génération de composante compressible par le gradient de pression magnétique b) raidissement de ce gradient.
 
 

4. Turbulence décroissante dans le vent solaire

4.1 Expansion et nonlinéarités; le modèle comobile

Une série de travaux par Roberts et coll. (de 1988 à 1995) ont cherché à décrire l'évolution du spectre turbulent dans le cadre MHD, en intégrant les équations de la MHD. Ce type de simulations permet par exemple de décrire le cisaillement des ondes par les jets, donnant lieu à une description assez réaliste, dans le cadre fluide. Ce réalisme est en fait trompeur. En effet, dans le vent solaire, bien que le spectre soit "turbulent", le gros de l'évolution (décroissante) de l'énergie dans les fluctuations n'est pas dû aux interactions non-linéaires ondes-ondes ou ondes-jets, mais à l'effet de l'écoulement moyen. Cette décroissance globale s'obtient dans le cadre linéarisé (Parker 1966, Heinemann et Olbert 1980). Mais, si l'on veut décrire l'évolution spectrale (qui existe tout de même, avec une cassure spectrale qui se déplace avec la distance au soleil), alors il devient nécessaire d'inclure les termes non-linéaire.

Aucune simulation turbulente n'avait réussi à combiner effets du vent moyen et termes non-linéaires, en dehors de modèles très simplifiés (Tu, 1988). Nous avons proposé le premier cadre numérique permettant de résoudre le problème. Nous avons simplifié, non les termes non-linéaires, mais le vent moyen; nous avons supposé un écoulement radial de vitesse constante modélisant ainsi la partie supersonique du vent. Le modèle final contient tous les effets linéaires connus. Nous avons ainsi pour la première fois obtenu une image un tant soit peu réaliste de l'évolution turbulente, dans la partie supersonique du vent (Grappin et al 1993a).

Détaillons un peu. L'héliosphère n'est pas un milieu homogène, le soleil étant la source de l'écoulement principal. Si on suit un paquet de plasma emporté par le vent, on trouve les propriétés suivantes: décroissance (adiabatique) de la température, décroissance de la densité en 1/R2 (conservation de la masse), décroissance et rotation du champ magnétique moyen (due à la conservation du flux magnétique) et enfin décroissance en 1/R de la composante transverse de la vitesse (due à la conservation du moment angulaire). Toutes ces propriétés sont bien connues, et leur conséquences sur la propagation linéaire des ondes également (en particulier la décroissance en 1/R de l'énergie spécifique des ondes d'Alfvén en propagation quasi-radiale, due au couplage par le champ moyen et à l'amortissement induit par l'expansion sur la composante transverse de la vitesse). Mais pourtant, ce sont ces propriétés que les simulations numériques dédiées à l'étude de l'évolution turbulente dans le vent solaire avaient toutes négligées d'inclure. La raison en était simple: on ne voyait pas comment tenir compte de cette expansion sans inclure la cavité héliosphérique toute entière, ce qui paraît une tâche numériquement lourde, tout au moins quand on veut en même temps résoudre les petites échelles turbulentes.

L'importance de l'expansion (Grappin et al 1993b) est mesurée par le facteur d'expansion (Tu et al 1984, Tu, 1988), rapport entre la période d'Alfvén et le temps d'expansion 1/divU°: ceci donne une échelle critique où on ne peut négliger ces effets. Le problème est compliqué car l'expansion du plasma est anisotrope: les dimensions radiales d'un volume de plasma ne changent pas au cours du transport par un vent radial de vitesse à peu près uniforme: seules les dimensions transverses augmentent, et ce n'est que dans la limite linéaire d'une onde d'Alfvén radiale dans un champ radial que la solution est simple.

Pour explorer la combinaison des effets non-linéaires et de l'expansion du plasma, nous avons choisi une méthode pseudo-lagrangienne que nous avons appelée "expanding box model": on suit (en coordonnées comobiles) un paquet de plasma emporté par le vent radial moyen, et on intègre dans ce (pseudo-) repère les équations de la MHD pour tous les champs, densité, pression, champ magnétique, sauf pour la vitesse où on n'intègre que la fluctuation de vitesse par rapport au vent radial, dont on s'est donné la variation moyenne avec la distance: les gradients correspondants apparaissent comme des membres de droite supplémentaires par rapport aux équations standard de la MHD dans le cas homogène. Par ailleurs, les termes de gradients transverses des équations de la MHD subissent une décroissance systématique au cours du temps, due à l'expansion transverse du domaine numérique: ce dernier effet a des conséquences aussi importantes que les effets linéaires cités plus haut (décroissance de la température, densité et vitesse d'Alfvén …).

4.2 Ondes simples

Nous nous sommes tout d'abord intéressés à la propagation d'ondes monochromatiques; nous avons montré comment le "mythe" de l'onde d'Alfvén idéale ne résiste pas à l'expansion (Grappin et al 1993a, Velli Schmidt Grappin, 1996, en cours de rédaction): les ondes sont fortement couplées aux modes compressibles (recoupant notre travail observationnel déjà cité Grappin Mangeney Marsch 1990, 1996), et donc ne peuvent garder leurs propriétés idéales; elles se raidissent et créent des discontinuités et des chocs, sans pour autant diminuer trop fortement l'hélicité croisée. Donc, d'un côté l'expansion déclenche les couplages non-linéaires dans des cas limites où l'on pensait qu'ils étaient absents. D'un autre côté, si on considère les ondes magnétosonores, la situation est inverse: à cause de l'affaiblissement des gradients transverses, les couplages non-linéaires sont fortement diminués par rapport au cas homogène, et l'évolution de l'onde est ralentie par l'expansion.

4.3 Ondes, jets et expansion

Dans le vent solaire, la coexistence d'au moins trois acteurs est essentielle: l'expansion, les jets et les ondes. Pour prendre en compte ces trois acteurs, on ne peut se restreindre à des ondes monochromatiques: il faut que les vecteurs d'onde aient des directions différentes. On a donc considéré (Grappin et Velli, 1996) l'évolution de couronnes de vent solaire en expansion, permettant d'étudier le cisaillement des ondes par les jets et en même temps l'effet de l'expansion sur les jets et les ondes. La conclusion de ce travail est la suivante: les ondes se raidissent le plus là où le cisaillement par les jets est maximal, et c'est aussi là que la dissipation est la plus forte: la turbulence est donc plus faible là où les gradients des jets sont forts. Un tel régime est observé dans le vent solaire dans la période qui est proche du maximum d'activité solaire (Roberts et al 1987). Mais, comme nous l'avons décrit plus haut, en-dehors du maximum solaire l'activité turbulente n'est pas liée au cisaillement des jets, mais est réglée par la température moyenne du plasma: ce régime turbulent semble pour le moment hors de portée des simulations numériques.

On peut remarquer que dans ces simulations (comme d'ailleurs dans toutes les simulations sans expansion d'autres auteurs), les couplages non-linéaires sont probablement encore plus faibles que dans le vrai plasma solaire, principalement pour des questions de résolution et de dimensionalité (les simulations sont bidimensionnelles). Il se pourrait que des résultats différents apparaissent lorsque on aura réussi à dépasser ces limitations.

4.4 Ralentissement de la turbulence

Un résultat important de ces simulations est le ralentissement des interactions turbulentes par l'expansion (Grappin et al, 1993a et b; Grappin 1996 et Grappin et Mangeney 1996, Proc. Solar Wind 8). Cet effet présente certaines analogies avec l'expansion cosmologique: de la même façon que l'expansion cosmologique change le seuil d'instabilité gravitationnelle, de la même façon, la formation de petites échelles turbulentes est inhibée par l'expansion du plasma solaire. Dans une couche convective turbulente, on trouve également un phénomène analogue: la divergence de l'écoulement à la surface (là où les points chauds émergent) re-laminarise l'écoulement qui cesse d'être turbulent (J.P. Zahn, communication personnelle).

Ce point est important car il pose un problème: comment utiliser l'énergie libre présente dans le cisaillement des jets si les jets sont stabilisés par l'expansion? Ce problème apparaît de façon encore plus claire dans l'étude détaillée ci-dessous, où nous montrons numériquement qu'à partir d'une configuration sans jet initial, un vortex isotrope et un champ magnétique moyen non nul, on obtient finalement à grande échelle un amortissement complet de la composante de vitesse transverse, si bien que le tourbillon initial se transforme en une paire de jets parfaitement radiaux, tandis qu'à plus petite échelle on trouve des ondes d'Alfvén.

4.5 Anisotropie jets/ondes

Il y a plusieurs axes de symétrie dans le vent solaire. D'une part, la direction radiale est privilégiée (parce que l'écoulement moyen est radial). D'autre part, le champ magnétique fournit une autre direction privilégiée, qui à grande distance devient perpendiculaire à la direction radiale (spirale de Parker). Il est important de répéter qu'on ne peut mesurer que les anisotropies dans les polarisations, et rien concernant les vecteurs d'onde, puisqu'on n'a que le profil radial des fluctuations. Or la structure transverse des fluctuations est une propriété essentielle de la turbulence, à la fois pour son évolution propre, et pour son effet par exemple sur les particules énergétiques (rayons cosmiques).

On observe de ce point de vue une coupure très nette, déjà mentionnée, entre les grandes échelles (les jets), qui sont principalement à polarisation radiale, et la bande spectrale des ondes d'Alfvén, dont la polarisation est organisée autour de l'axe du champ magnétique moyen. Pourquoi cette coupure et ces anisotropies si différentes? De plus, l'anisotropie des ondes est contradictoire avec un fait connu depuis longtemps (Völk et Alpers, 1973): lorsque l'on plonge des fluctuations dans le vent solaire, l'expansion transverse du plasma "étire" tous les fronts d'onde dans la direction transverse, autrement dit les vecteurs d'onde se tournent vers la direction radiale. Comme (parce que divB=0, donc k.bk=0) les fluctuations magnétiques doivent être perpendiculaires à leur vecteur d'onde, cela devrait impliquer que les fluctuations ont la direction radiale pour axe de symétrie, ce qui est contradictoire avec les observations.

Nous pensons avoir compris l'origine du paradoxe, et en même temps pourquoi les anisotropies sont si différentes dans les deux parties du spectre (Grappin, 1996, Proc. Solar Wind8). Tout d'abord, l'anisotropie radiale des jets provient du fait que, dès que la fréquence d'Alfvén ne domine plus le terme d'expansion (ce qui se produit à suffisamment grande échelle), alors le couplage entre fluctuations de vitesse et du champ magnétique devient inopérant; à ce moment-là, le couplage avec l'expansion est seul efficace, et on peut montrer facilement que les deux phénomènes d'ordre 0 sont respectivement l'amortissement rapide de la composante radiale du champ, et donc la rotation du champ magnétique (spirale de Parker) et au contraire l'amortissement des fluctuations non radiales de la vitesse (par conservation du moment angulaire). Si par contre on considère des échelles plus petites, alors le couplage par le champ moyen empêche la décroissance indépendantes des deux champs. Dans certains cas au moins, on observe numériquement d'une part que les vecteurs d'onde (mesurés globalement par transformée de Fourier dans le domaine numérique) se tournent bien vers la direction radiale, mais d'autre part que lorsque l'on fait des coupes radiales dans lesquelles on soustrait les contributions moyennes, alors on retrouve bien la symétrie non par rapport à la radiale, mais par rapport au champ magnétique moyen. Or c'est la seconde méthode que l'on pratique dans les observations, car les observations par satellite ne permet pas de mesurer globalement la structure spatiale des fluctuations. La solution du paradoxe réside donc dans le fait que l'on ne peut prétendre tirer des conclusions globales (à l'échelle de volumes) par une mesure faite le long d'une ligne, dans un milieu turbulent.

5. Origine des vents stellaires et de la turbulence

5.1 Physique et modèlisation numérique des écoulements ouverts

Pour étudier un certain nombre d'effets, comme la difficile déstabilisation des jets dans le vent radial, la naissance du vent dans la zone d'accélération, l'effet de la turbulence sur les plus grandes échelles (est-ce que les ondes accélèrent le vent, en tenant compte de la dissipation induite par la turbulence?), le modèle numérique comobile utilisé précédemment ne suffit pas.

En effet, le vent moyen ne peut plus être considéré ni comme uniforme, ni surtout comme donné. La région d'accélération du vent (aux alentour du point sonique), où les observations par radio-scintillation montrent le maximum d'amplitude turbulente. Il faut donc abandonner les coordonnées comobiles et travailler dans un repère absolu, sur un domaine d'intégration fixé (non emporté par le vent). La difficulté dans ce cas est celle des conditions aux limites: alors que précédemment on se donnait l'écoulement moyen, et on supposait les quantités fluctuantes périodiques, maintenant il va falloir faire les "bonnes hypothèses" sur les bords du domaine pour tous les champs.

Dans le cas stationnaire étudié par beaucoup d'auteurs, ceci ne pose pas de problème particulier, mis à part les points singuliers (points soniques, alfvéniques). Dans le cas instationnaire qui nous intéresse, l'évolution peut dépendre fortement du traitement des bords.

Si l'on impose par exemple la pression ou la vitesse aux bords, les ondes se réfléchiront sur ces bords, et par conséquent on ne pourra mesurer l'accélération du vent par les ondes. (Bien entendu, il n'y a pas de tels bords dans l'univers). Il faut donc pouvoir travailler avec des bords plus ou moins transparents, ce qui demande un certain nombre de précautions. Dans le domaine fluide (Navier-Stokes), nous nous sommes inspirés de la méthodologie proposée et testée par T.Poinsot (Poinsot et Lele, 1992) au Cerfacs pour les écoulements "ouverts" de type soufflerie.

5.2 Freinage par ondes acoustiques

La première application que nous avons considérée dans le cas le plus simple, isotherme, à symétrie sphérique, est la question de l'accélération par les ondes. L'analyse linéaire (Jacques, 1977) prédit une accélération par les ondes d'Alfvén, et un résultat analogue pour les ondes sonores. Nous avons fait des simulations pour le cas acoustique, de petite amplitude (pour comparer avec les prédictions linéaires) et de grandes amplitudes (menant à des chocs). Le résultat obtenu est que les ondes sonores décélèrent toujours le vent moyen - tout en augmentant le flux de masse. Ce résultat est contradictoire à celui obtenu par des travaux précédents (Jacques, 1977, Pijpers and Hearn, 1989). L'origine de la contradiction réside dans le choix du repère. Le repère du lagrangien moyen utilisé en général dans ces travaux dérive par rapport au repère eulérien, et dans le cas d'ondes acoustiques la dérive est suffisante pour changer le signe du résultat! Nous avons obtenu pour les petites amplitudes une estimation analytique du freinage (par une méthode n'ayant rien à voir avec le lagrangien moyen) qui ne laisse aucun doute quant à la réalité du phénomène.

En conclusion (Grappin Cavillier Velli 1996), nous faisons la conjecture qu'une partie du gradient systématique de vitesse transverse à l'écliptique (ou plutôt à la couche neutre) observé dans le vent solaire est liée à ce phénomène: les ondes émises près de l'équateur magnétique seraient de type compressible et auraient donc tendance à freiner le vent comme les ondes acoustiques, tandis que loin de l'équateur les ondes d'Alfvén auraient tendance à accélérer le vent au-delà de sa valeur nominale.

5.3 La turbulence thermique coronale comme moteur de la turbulence du vent solaire

Nous avons poursuivi ce travail avec J. Léorat, E. Cavillier et G. Prigent (lors de deux stages de DEA) dans un cadre plus vaste, l'écoulement n'étant plus limité par la symétrie sphérique mais seulement exiale.

Supposons par simplicité un polytrope d'indice g = 1 (la température sera donc transportée au cours du mouvement). Nous avons tout d'abord montré que, dans le cas d'un vent isotherme, le vent trans-sonique isotrope (à symétrie sphérique) de Parker est un attracteur. Plus précisément, si on impose un cisaillement de vitesse du vent au niveau coronal, toute trace du cisaillement initial a disparu aussitôt après le point sonique. La seule méthode permettant (en l'absence de champ magnétique) d'imposer des cisaillements de vitesse transverses durables (en latitude ou longitude) consiste à imposer des fluctuations de température au niveau coronal. Nous avons ensuite pu montrer (Grappin Léorat Cavillier Prigent1997) que, si (et seulement si) les fluctuations thermiques sont imposées assez bas, alors les interfaces entre jets pouvaient se déstabiliser - autrement dit nous avons confirmé que l'expansion stabilisait ou "gelait" l'écoulement en inhibant les fluctuations de vitesse transverses.

Nous avons ensuite montré un résultat beaucoup plus important à notre avis. Depuis longtemps, on avait observé dans le vent solaire au-delà de 0.3 UA que les fluctuations thermiques suivaient relativement bien les fluctuations de la composante radiale de la vitesse: les jets rapides sont chauds, les jets lents sont froids. Cette corrélation persite plus ou moins jusqu'à des fréquences relativement élevées. Seule la corrélation à très grande échelle était comprise; mais pas la variation de la corrélation avec la fréquence, pour laquelle on n'avait pas plus d'explication que que pour la corrélation (bien plus forte) mentionnée plus haut entre niveau turbulent et température.

L'explication de la corrélation température-vitesse à grande échelle est due à Parker (1958). Le profil radial de la vitesse dans un tube de flux (radial dans le cas le plus simple) est entièrement déterminé par la température coronale (puisque le point sonique est déterminé par la température). Si maintenant on imagine deux tubes de flux l'un à côté de l'autre, on aura (en négligeant l'interaction entre deux tubes de flux) deux jets de vitesse différente, déterminé très largement par leurs températures respectives. Si maintenant on imagine une collection de tubes de petite taille, chacun de température différente, on aura une collection de jets. Nous avons donc numériquement imposé un spectre (stationnaire) de fluctuations de température à la base du domaine numérique (au niveau coronal), afin de regarder jusqu'à quelle échelle la vitesse radiale (non imposée!) qui en résultait réflétait le profil de température. Nous avons observé une corrélation presque maximale jusqu'à une échelle proche de l'échelle dissipative.

Maintenant, chaque fois qu'une interface entre jets se déstabilise (par instabilité de cisaillement) dans la zone sub/transonique, la corrélation vitesse radiale-température est abaissée. On en arrive donc à l'interprétation suivante: la corrélation température-vitesse radiale observée vers 0.3 AU et au-delà est le reste d'une corrélation probablement encore beaucoup plus forte (et dans tout le spectre) au niveau de la couronne. Le spectre de vitesse radiale observé in situ est en fait, dans une certaine mesure, le reflet direct (amplifié) de la turbulence thermique coronale. Par ailleurs, le spectre des composantes transverses de la vitesse du vent solaire est, par contre, le reflet de la turbulence (gelée ensuite) due à l'instabilité des interfaces dans la zone subsonique et la zone d'accélération.

Ces travaux demandent à être poursuivis dans un cadre plus vaste (champ magnétique, 3D). Cependant, nous pensons que même s'il est clair que la dynamique des interfaces est complètement différente en présence de champ magnétique et à 3D, l'interprétation donnée ci-dessus reste vraie.

6. Turbulence dans les plasmas non-collisionnels

Le libre parcours moyen dans le vent solaire est bien trop grand pour que l'on puisse parler de plasma collisionnel, et donc de fluide, pour le vent solaire. On considère néanmoins (généralement tacitement) que le bruit électromagnétique, et des instabilités plasmas diverses, assurent que les écarts par rapport à l'équilibre (Maxwell-Boltzmann) des fonctions de distribution des particules n'est pas trop grand. Cependant, il est clair que les termes dissipatifs habituellement représentés dans les équations de la MHD (viscosité et effet Joule) ne sont pas vraiment appropriés. Nous avons commencé à considérer deux effets plasmas non contenus dans la description fluide standard: l'effet Hall, effet dispersif qui, au lieu de dissiper localement l'énergie dans un choc, émet des ondes dispersives et "dispersent" le choc (sans le dissiper) d'une part; d'autre part l'amortissement Landau, qui est susceptible de dissiper les modes compressibles. Nous avons comparé une formulation MHD+ ettet Hall et une simulation hybride (semi-particulaire). Pour l'amortissement Landau, nous cherchons tout d'abord à l'étudier pour lui-même, avant de tenter de l'inclure dans une description fluide. Une grande partie des conclusions de nos recherches récentes portent sur les effets des modes compressibles dans le vent solaire. Il est donc important d'étudier des effets d'amortissement comme l'effet Landau, dans des situations linéaires et non-linéaires.

6.1 MHD avec effet Hall / plasma hybride

Les contraintes numériques limitent la résolution, ce qui implique qu'il faut adopter des paramètres dissipatifs assez élevés, et il est donc impossible de suivre longtemps l'évolution de la turbulence car celle-ci disparaît, transformée en chaleur par les termes diffusifs. Les écoulements réels échappent en réalité à la "mort thermique" de deux façons: d'une part la dissipation réelle est bien plus faible que la dissipation numérique, mais dans de nombreux cas l'énergie cohérente (macroscopique) est redistribuée dans le système avant d'être transformée en chaleur. Cette redistribution s'opère via des termes dits dispersifs, correspondant à des dérivées spatiales d'ordre élevé.

Pourquoi le problème de la "mort thermique" se pose-t-il? Dans un fluide, les interactions non-linéaires provoquent l'apparition de très petites échelles qui peuvent par exemple être représentées par un choc lorsqu'une onde sonore se raidit, ou par des singularités réparties sur des surfaces compliquées (encore mal élucidées) dans le cas d'écoulements tourbillonnaires, la nature et la répartition de ces singularités déterminant en particulier le spectre d'énergie des fluctuations. Dans un gaz neutre, au fur et à mesure que l'énergie est injectée dans ces structures, elle est dissipée par les collisions moléculaires. Dans un plasma comme le vent solaire, les collisions de type binaire proprement dite sont peu probables, et ce sont au contraire des interactions de type collectif, qui prennent en charge l'énergie qui arrive à toute petite échelle. Ces interactions collectives ont la propriété d'être très peu dissipatives, et de redistribuer l'énergie dans des degrés de liberté correspondant à des mouvements cohérents, via des termes dispersifs mentionnés plus haut.

Un exemple de ce processus est fourni par les trains d'ondes émis dans la magnétosphère par le choc terrestre, et également par les ondes solitaires dans les canaux. Il est important de comprendre dans quelle mesure ces phénomènes modifient la dynamique grande échelle, dans la mesure où les modèles fluides collisionnels (peu réalistes) sont bien plus économiques que les modèles particulaires qui, eux, représentent correctement ces effets. Nous avons pour cela comparé tout d'abord l'évolution non-linéaire de tourbillons d'Alfvén avec un code particulaire hybride et MHD (dissipatif). Dans les deux cas, on obtient la formation de chocs concentrant aussi courant et vorticité. Dans la suite, le code particulaire montre l'émission d'ondes dispersives par les chocs, tandis que les code MHD montre la dissipation lente du choc sans formation de ces ondes. Dans une troisième expérience, nous avons ajouté au code MHD un terme d'effet Hall (qui représente une partie de l'effet particulaire) et supprimé les termes disssipatifs; nous avons alors obtenu la formation d'ondelettes exactement comme dans le code hybride. Ensuite, des singularités apparaissent ailleurs dans le domaine numérique qui demandent une (faible) diffusion de type classique pour être résolues, indiquant que d'autre termes que le terme Hall sont nécessaires pour compléter les équations de la MHD (Matthews et al, 1995).

En conclusion, la dynamique grande échelle n'est pas modifiée lorsqu'on remplace les termes diffussifs par des termes dispersifs dans les équations de la MHD, ce qui permet de conserver l'énergie initiale des mouvements cohérents, mais en fait au bout de quelques temps caractéristiques on bute contre l'apparition de singularités d'un autre type que le type standard, qu'il faut étudier en détail pour comprendre quel type de terme (dispersif?) permettrait de les traiter.
 
 

7. Turbulence du Milieu interstellaire

7.1 Ondes gravito-acoustiques et condensations

Les mouvements observés dans le milieu interstellaire montrent sur une impressionnante gamme d'échelles un spectre relativement continu de même pente que le spectre de Kolmogorov, la relation entre dimension caractéristique l de la structure et sa vitesse rms du suivant une loi du type duµl1/3. On peut se demander si cette similitude avec les écoulements dans l'atmosphère terrestre est une coïncidence. En effet, la matière interstellaire possède de nombreuses différences avec un milieu terrestre: d'une part le "fluide" est constitué d'une émulsion de condensations de toutes densités et de toutes tailles; d'autre part la gravitation est suffisamment importante pour que le milieu soit instable et s'effondre - or le taux de formation d'étoiles que l'on peut estimer indépendamment est très faible: les mouvements cohérents rendent apparemment le système gravitationnellement stable.

Dans un fluide au repos, on peut estimer la stabilité du système par rapport à une perturbation de longueur l en comparant la période acoustique de la perturbation et le temps de chute libre (qui ne dépend que de la densité): si la taille de la perturbation est suffisante, le système est instable - mais si on augmente la température, il redevient stable. Si maintenant on prend en compte les mouvements cohérents (et non seulement l'agitation thermique) dans le fluide, l'analyse est plus compliquée. Chandrasekhar en 1951 a montré que si on suppose que les mouvements sont statistiquement isotropes à petite échelle leur effet est comparable à l'agitation thermique, et contribue à la pression (on appelle "pression turbulente" cette contribution) ce qui permet de généraliser l'équilibre du viriel au cas d'un fluide. On peut cependant se convaincre en regardant la démonstration de près que les mouvements du fluide contiennent aussi bien des termes stabilisateurs que déstabilisant, ce qui est intuitif: par exemple, on a considéré depuis longtemps les ondes de choc comme mécanisme déclencheur de formation d'étoiles dans la galaxie.

Léorat, Passot et Pouquet (1990) avaient étudié l'effet de pression turbulente dans un fluide auto-gravitant en le forçant de façon incohérente à petite échelle: l'isotropie des mouvements était en quelque sorte imposée par ce forçage, et d'autre part le forçage était un bruit blanc temporel, ce qui permettait de se placer exactement dans les conditions d'application de la démonstration de Chandrasekhar. Nous avons estimé que dans le milieu interstellaire rien n'imposait de telles conditions, et nous avons voulu examiner ce qui se passait dans un cas complètement déterministe.

Nous avons étudié la stabilité d'un écoulement tourbillonnaire (en fait un réseau de tourbillons). Dans la limite incompressible, de tels tourbillons sont des solutions stationnaires des équations de Navier-Stokes; lorsqu'on sort de cette limite, l'équilibre entre force centrifuge et pression ne peut jamais être réalisé et on observe des oscillations sonores, dont l'amplitude dépend du nombre de Mach des tourbillons "pères". Lorsque maintenant on tient compte de la gravitation, les ondes acoustiques deviennent des ondes gravito-acoustiques, dont l'amplitude et la période augmente avec la densité moyenne (c'est-à-dire avec le nombre de Jeans J, qui mesure l'amplitude de la gravitation). Lorsqu'on augmente le nombre de Jeans, les oscillations augmentent donc d'amplitude. Dans l'analyse linéaire, la période devient infinie au moment où le nombre de Jeans atteint l'unité: ensuite la fréquence devient imaginaire. Que se passe-t-il quand on intègre le système numériquement? Nous avons étudié les oscillations non-linéaires de ce système de tourbillons auto-gravitant près du seuil du nombre de Jeans unité; dans ce cas le système oscille autour de plusieurs états d'équilibre, mais se stabilise en fait rapidement parce que la dissipation numérique est très forte.

7.2 Turbulence non dissipative

Dans un travail plus récent, (Grappin Léorat, Hulin, 1997), nous avons considéré l'effet de la dispersion sur la turbulence. En effet, on sait que l'autogravité modifie la relation de dispersion des ondes sonores, si bien qu'à hautes fréquences on trouve des oscillations gravito-acoustiques, et à basse fréquence l'instabilité de Jeans. Dans la bande de longueurs d'onde qui se trouvent juste au-dessous de la longueur d'onde de Jeans, les oscillations seront donc extrêmement dispersives. On sait que dans le cas sans gravitation, un tel effet empêche le déferlement des ondes sonores (équ. de Korteweg de Vries). On pouvait donc se demander si un phénomène analogue se reproduit dans le cas gravitationnel, et, si oui, si cela peut empêcher la dissipation turbulente des oscillations. Nous avons montré numériquement qu'il en est bien ainsi, une phénoménologie reproduisant le comportement observé. Cette bande de fréquences fournit donc un réservoir d'énergie "inusable" qui permettrait éventuellement de ralentir efficacement la formation d'étoiles. Nous travaillons actuellement à vérifier cette dernière conjecture.

8. Conclusion

Il est bien connu que, dans un tuyau, le seuil de déclenchement de la turbulence, exprimé en nombre de Reynolds, est relativement élevé. Au contraire, dans un milieu infini, une phénoménologie simple permet de prédire et le développement de la turbulence et les échelles de temps.

En réalité, il y a d'autres façons d'inhiber les interactions non-linéaires et donc de ralentir ou stopper momentanément la dissipation turbulente, même dans un milieu sans parois. Nous en avons vu trois exemples: la corrélation vitesse-champ magnétique dans la limite incompressible, la dispersion des ondes en turbulence auto-gravitante, l'expansion dans un vent stellaire. Il en existe d'autres (dispersion dans les systèmes en rotation par exemple). Ces "blocages" peuvent être localisés dans l'espace (exemple, l'héliosphère interne supersonique pour l'échelle des jets, dans le cas du vent solaire) ou dans un domaine de fréquences (turbulence auto-gravitante). En tout cas, ils empêchent, lorsqu'ils ne sont pas compris, de se faire une idée raisonnable de la dynamique. Leur existence détruit l'idée, le mirage, d'une formule magique universelle (par exemple basée sur la phénoménologie de la longueur de mélange, à la Prandtl) que les astrophysiciens utilisent pourtant constamment dans leurs modélisations.

9. Bibliographie et Publications

9.1 Bibiliographie générale

Alazraki, G. and P. Couturier, Astron. and Astrophys. 13, 380, 1971.
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