Couronne et vent solaires

1. Le soleil et la couronne

Le soleil est une boule de gaz dont la temperature et la densite varient tres fortement du centre (15 millions de K) vers la surface (ou photosphere), où la temperature tombe à environ 5800 K. On pourrait s'attendre a ce que la temperature decroisse quand on s'eloigne de la surface; or, lorsqu'on monte suffisamment, la température remonte et grimpe à plus d'un million de degrés. On appelle "couronne" cette haute atmosphère chaude (et donc étendue) du soleil. On n'a pas actuellement de description théorique satisfaisante du ou des processus qui maintiennent ce desequilibre de temperature entre la couronne et la surface: les processus de chauffage de la couronne sont un sujet d'étude important de la physique solaire.

EIT  He II a 304 A 60000K) EIT FeXV 284A 2MK yokoh

Parce qu'elle est si chaude, la couronne émet dans l'ultraviolet et X. On a donc une image de la température dans la couronne en observant dans cette gamme de longueurs d'onde (satellites Soho/EIT et Yokoh). Les trois images du disque solaires ci-dessus montrent la distribution de luminosité à 304 et 284 Angstroms, (He II et FeXV), et en X; les deux premières images montrent les régions ayant des températures respectivement de 60000 et 2 106 K. On notera qu'à la plus haute temperature (deuxième image) la brillance est intermittente a petite echelle (points chauds). Avec l'image X, on observe que les régions émettrices ont une structure déterminée: dans les deux cas, on a une image de la distribution des zones de chauffage, c'est-à-dire de transformation de l'énergie dominante (magnétique) en chaleur. Dans le dernier cas, on peut penser qu'on a une image relativement fidèle de la structure magnétique elle-même à grande échelle. Si vous voulez voir l'état actuel du soleil tel qu'il est vu par divers instruments de Soho, cliquez ici. Pour le site d'Orsay (Medoc) montrant des observations coordonnees de Soho et Meudon, cliquez ici et ensuite dans: Latest Images.

2. La haute couronne: le démarrage du vent solaire



eclipse c2 27 nov97 c3 27 nov97

On peut obtenir aussi (ci-dessus) des images de l'extension spatiale de la couronne jusqu'à de grandes distances en cachant le disque solaire et en observant la lumiere (visible) provenant de la photosphère et diffusée ensuite par les électrons de la couronne: on obtient ainsi une carte de la densité dans la couronne. Dans la première image (éclipse), le cache est de la taille du soleil. Dans la deuxième, il a 1.5 rayons solaires (coronagraphe C2 de Lasco/Soho), et dans la troisième, il fait 3 rayons solaires (coronographe C3).

La dernière image ci-dessus montre des sortes de rayons de matière partant du soleil ; ces rayons suggerent fortement un ecoulement. On appelle ces structures des jets coronaux , ou encore "helmet" streamers, parce que leur forme evoque celle d'un casque a pointe. La partie basse (le casque) correspond a la presence de boucles magnetiques fermees issues des zones de la surface a champ magnetique fort, les taches solaires. En realite, l'atmosphere solaire toute entiere (et pas seulement dans les jets coronaux), s'ecoule radialement, si bien que celle-ci remplit en fait tout le système solaire. Le flux de matière total est négligeable pour l'évolution de l'étoile elle-même (10^-14 fois la masse solaire par an), mais cet écoulement, qu'on appelle le "vent solaire", présente un grand intérêt, car d'une part il nous renseigne directement sur le plasma solaire (on peut envoyer des satellites mesurer les paramètres du vent, alors qu'on ne peut pas envoyer des satellites sur le soleil), et d'autre part c'est le seul exemple qu'on puisse étudier de près de mouvements turbulents d'un gaz conducteur (appelé aussi "plasma"), très fréquents dans le reste de l'univers.

3. Le vent solaire proprement dit

Les images ci-dessus sont trompeuses: on pourrait avoir l'impression que la matière "part" principalement le long des rayons denses. En fait le vent est bien plus rapide dans les zones peu denses (noires), donc entre les rayons, si bien que le flux est à peu près le meme partout. La vitesse est très faible près du soleil; elle augmente rapidement et atteint une vitesse de 200-300 km/s proche de sa vitesse de croisière dans le domaine couvert par la troisième image ci-dessus. Ce sont des mesures indirectes qui donnent une bonne vue d'ensemble de cette variation radiale de l'écoulement, les mesures de scintillation des radio-sources. La scintillation est provoquée par les grumeaux de plasma interposés entre la source et nous, et on mesure la vitesse des grumeaux. Au niveau de la terre, la vitesse varie entre 400 (dans les jets denses et froids) et 800 km/s (dans les jets peu denses et chauds).
On a vu que la structure du vent dans la zone d'acceleration est compliquee: on distingue bien plusieurs jets (coronal streamers). Plus loin, il semble que la structure se simplifie. Dans la partie du vent solaire où des mesures directes du plasma sont possibles, c'est-à-dire au-delà de 0.3 Unités astronomiques, le vent solaire ne possède plus qu'une seule surface de symétrie, appelee couche de courant heliospherique, parce qu'elle correspond effectivement à un courant électrique) associé à un changement de polarité du champ magnétique. Cette "couche" oscille autour du plan de l'écliptique (le plan dans lequel se trouvent les orbites de la plupart des planètes). Le vent devient systématiquement plus rapide (et moins dense) quand on s'en éloigne. C'est ce qu'on voit dans la mappemonde ci-dessous obtenue a l'observatoire de Nagoya a partir des observations de scintillation des radio-sources. On y a represente la vitesse du vent (rouge pour les vitesses faibles, bleu pour les vitesses elevees) en fonction de la longitude et de la latitude de la source solaire. La couche de vent lent (rouge) est bien localisee autour de l'equateur solaire, dont l'ecliptique est le prolongement. nagoya94 Il se peut que les jets multiples qu'on observe pres du soleil soit la manifestation d'une seule et même couche de courant "ondulant" autour de l'équateur. Mais, suffisamment pres du soleil, la structure est vraiment tres compliquee (cf. figure 3 du soleil en X). Il faut donc expliquer la simplification de la structure du vent avec la distance...

Le phénomène de vent stellaire (découvert par E.N. Parker en 1958) est analogue (formellement) à la transition subsonique/supersonique au niveau du goulot d'étranglement d'une tuyère de Laval. Dans le cas d'une atmosphère, il faut a) un champ de gravité central décroissant avec l'altitude b) un flux de chaleur important qui rende le fluide quasi-isotherme (indice polytropique proche de 1).
Il existe alors une infinité de solutions stationnaires (à symétrie sphérique) aux équations de Navier-Stokes. Une seule de ces solutions correspond au vent trans-sonique. Cette solution est la seule stable. En particulier, l'atmosphère statique est instable. Bien entendu, il faut que la pression du milieu extérieur (le milieu interstellaire) ne soit pas trop élevée, sinon on obtient non un vent, mais une accrétion de l'extérieur vers l'étoile.

4. Le vent solaire est un écoulement turbulent

Les vents stellaires ont été beaucoup étudiés théoriquement dans le régime stationnaire. Or, dans le cas du soleil, le signal observé (aussi bien la vitesse que la température, etc...) contient tout un spectre de fluctuations, qui signe un écoulement turbulent. On peut à première vue penser soit: a) que les fluctuations sont le reflet relativement fidèle des fluctuations temporelles et spatiales de la surface solaire (ou de l'atmosphère) b) qu'elles proviennent d'instabilité de mélange entre jets pendant le transport (Coleman, 1967).
Nous avons montré que, dans un vent stellaire sans champ magnetique, la turbulence est le produit d'intabilités de jets dans la zone d'accélération, ces jets résultant de fluctuations thermiques dans la couronne solaire. Cette turbulence de mélange semble être ensuite gelée par l'expansion du plasma, autrement dit ne plus évoluer au cours de l'advection par le vent moyen.

Il n'est pas sûr que l'instabilité de mélange puisse se déclencher dans le vent solaire réel. En effet, les structures magnétiques contraignent fortement le plasma lorsqu'on est près du soleil. Les fluctuations de vitesse transverses (nécessaires pour le mélange turbulent des jets) sont évacuées par le champ magnétique sous forme d'ondes d'Alfvén. (Dans un milieu conducteur, les lignes de force du champ magnétique propagent en effet les mouvements transverses à une vitesse proportionnelle à B/sqrt(ro), où B est l'intensité et ro la densité). Pour esperer destabiliser les jets, il faut donc se placer près des couches neutres où le champ magnetique est localement faible. De telles couches neutres existent en abondance près de la surface solaire: elles résultent de l'entrainement des boucles magnétiques fermées par le vent. La question posée de leur stabilité et de leur comportement en présence de fluctuations thermiques est en cours d'etude.